Mercredi 01 Mai 2024

Compte rendu N°767

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Compte rendu des sorties

17/06/2021

GROTTE DE BOUTCHO BAOURI

Bilan de la sortie:
La spéléologie est une activité qui demande beaucoup de motivations. En effet, il faut s'émerveiller devant le spectacle d'une nature préservée, descendre des puits aux profondeurs insondables, franchir des boyaux et des étroitures en comprimant notre corps contre un étau de roche. Il faut parfois traverser des lacs à la nage, dont l'eau noire et profonde, à elle seule, démotive les plus courageux. Mais quand la grotte mesure 150 mètres, ne se trouve pas à plusieurs heures de marche de la première route et qu'elle ne comporte aucun obstacle sérieux, où se trouve l'envie d'aller la visiter ?

Pourtant, malgré son modeste développement, la grotte de Boutcho Baouri va nous opposer les obstacles les plus difficiles avant de toucher l'eau de son siphon terminal. La cavit?? s'ouvre dans un ravin à moins de 200 mètres de la route. Il n'y a aucune difficulté à débusquer l'orifice qui est au creux du thalweg. Mais le jour de notre visite, il était indétectable, en effet, une boule de foin, aussi lourde que compacte, fermait le passage. Impossible de pénétrer dans la grotte sans basculer l'énorme masse de foin. Les premiers essais consistant à la faire basculer en bas du ravin furent infructueux. Il fallait se résigner à abandonner la sortie ou à enlever l'énorme masse de foin pour éliminer l'obstacle. C'est cette solution que nous choisissons. Le plastique déchiré, nous prenons l'ensilage à pleine brassée pour le déverser plus bas. Une odeur acre d'herbe fermentée nous prend les sinus. L'humidité fait sortir un jus marron repoussant. Mais le courage et la patience mettent fin à l'obstacle et c'est dans un soupirail fort bas et encombré de cailloux que Laurent peut s'engager. Derrière, le conduit devient plus grand, mais une autre odeur prend le relais de l'ensilage. Elle est plus pénétrante et nous ne tardons pas à trouver sa provenance. Le sol est jonché d'excréments d'animaux sauvages, des griffures sur les parois signent la présence de blaireaux. L'endroit ne donne pas envie d'aller plus loin. Mais encore une fois, le courage des spéléologues et l'envie de toucher le fond prennent le dessus et en serrant les mâchoires de dégoût, nous cheminons vers le fond de la cavité. Nous devons franchir une longue flaque d'eau boueuse, fortement polluée par les urines de la sauvagine. Ensuite, la progression se poursuit dans un couloir bas où des tiques jonchent le sol. Jamais, il ne faut question de renoncer, même si le retour aurait pu sembler évident au vu de ces obstacles bien naturels. Mais la progression continue. Nous arrivons à l'ultime obstacle de la cavité : un laminoir très étroit et envahi d'excréments. Le passage est dur, il demande une force autant physique que psychologique pour les explorateurs. C'est le souffle haletant, le corps coincé dans la roche jonchée de déjections que l'obstacle est franchi. Derrière, une jolie galerie en méandre se termine sur le siphon terminal : le but final à atteindre, le Graal de notre exploration. Alors à la lecture de ce texte, j'entends beaucoup de voix s'élever en disant que nous étions possédés par une folie sans nom pour continuer l'exploration dans des terribles conditions, que nous aurions dû renoncer dès l'entrée. Moi-même, il m'est arrivé de douter dans cette étroite galerie aux émanations nauséabondes causées par la présence d'un renard. Mais ces obstacles, ne sont-ils pas là pour renforcer notre motivation à les dépasser ?

Et c'est cette obstination qui fait que nous sommes des explorateurs au sens noble du terme. Repousser les difficultés pour toujours avancer et même si nous n'avons pas de découvertes à la clé, nous ressortons avec la fierté d'être allé au bout et d'en revenir. Sans doute nous aussi, comme les alpinistes, nous sommes des conquérants de l'inutile.

La visite se termina, tous trois en caleçon, à presque 22 heures, dans les eaux froides du Coulagnet.

Laurent PAYROU

PS : pour compléter le compte-rendu, nous fûmes encore plus surpris de débusquer le renard bien vivant tout au fond de la cavité. Quelle étrange rencontre.

Participants :
Laurent Ca, Martin D et Laurent P